Billetterie
Lucky Peterson
Grande Scène - à partir de 20h
vendredi 26 juin 2020
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On n’affiche pas tous les jours un demi-siècle de carrière. Surtout quand on a tout juste 55 ans ! Car voilà, Lucky Peterson est ce qu’on nomme un enfant de la balle, du genre précoce. « Mon père m’a nourri au blues avant que je puisse marcher. J’ai joué de l’orgue avant même de savoir parler. » Lucky Peterson a ainsi baigné dans l’atmosphère du Governor’s Inn, le club tenu par son père James. Et chemin faisant, le natif de Buffalo a croisé la route de tous les géants de cette musique (Jimmy Reed, Muddy Waters, Buddy Guy, Junior Wells, Bobby Blue Bland, Little Milton…), arpentant les scènes du monde entier dès qu’il a eu l’âge de voyager, glanant lauriers et Grammies au fil d’une discographie du style solide. Alors voilà quand il est l’heur de fêter ses cinquante ans de carrière, celui qui apprit les claviers avec Jimmy Smith, le même qui a pris la guitare en écoutant trois King (B.B, Albert et Freddie), ne s’en laisse pas conter : back to the blues, « ce truc universel qui n’a pas dit son dernier mot ».

Just Warming up, le titre de l’album est on ne peut plus explicite : tout ceci n’était qu’un échauffement, tout cela va vous réchauffer, de la tête aux pieds. Et pour commencer, un blues électrique à souhait, gonflé à bloc, traits de guitares allumés et orgue au taquet, pour célébrer ses 50 years. « Look at me ! », comme il dit, manière de démontrer la vitalité toujours intacte de sa pâte. Et ce n’est qu’un début. Il enchaîne par Pack It Up, un terrible titre pioché chez George Edward Chandler, tendance rhythm’n’blues, guitare zébrée, sections de cuivres en rafale : la relecture est au niveau, tensionmètre au top. Du coup, Lucky choisit de la jouer plus à la coule, en mode ballade soulful, pour Dreamin' About You, orgue qui rappelle l’aura toute puissante du gospel et guitare sur la pédale wah-wah, tandis que pour Don’t Want Nobody But You, il convie au micro Tamara Tramell, la chanteuse qui l’accompagne désormais en tournée avec son groupe de fidèles The Organization. Sur cette pure love song, la voix de velours contraste parfaitement avec son timbre plus rauque. D’amour, il est aussi question quand il entonne l’instant d’après Reposses Your Love, cette fois sur une voie 200% blues and roots. L’amour, toujours, est le sujet de I Will Die 4 U, cette fois en mode romantique avec caresse de percussions, tamis de violons, et feulement au diapason. Un frisson passe… 

Et voilà qu’il reprend le manche pour honorer BB King, Never Make Your Move Too Soon, dans une version raccord avec celle du tutélaire aîné. C’est un autre mentor, qu’invoque le tempo jazz funk de Clickety Click : Jimmy Smith, dont Lucky Peterson demeure un disciple pour l’éternité dès qu’il prend les claviers. Des noires, des blanches, des bleues aussi, le bluesman a aussi un swing bien ajusté.  Ce n’est pas sa seule qualité : lorsqu’il entame The Blues Is Driving Me, chanson qui raconte son rapport intime avec cette musique qui l’a choisi « plus que je ne l’ai choisi », il adopte un tempo qui flirte avec les syncopes chaloupées du reggae. À n’en pas douter, du haut de son expérience, Lucky Peterson est capable de conjuguer le blues au pluriel des suggestifs la musique qui l’a toujours bercée. C’est à ce prix, celui d’une ouverture d’esprit vers d’autres styles, que son singulier sens du blues s’avère vital ! Il sait bien que dans l’ADN de cette musique, il y a l’histoire d’un croisement des plus fertiles. Ce qui ne l’empêche nullement de le jouer dans le droit fil de la tradition sur Angel Of Mercy comme sur Going Where My Roots Come From, transpercés de part en part par de puissants solos de guitare. Tout comme sur Let The Good Time Party Begin, une composition qui fleure bon le blues des origines, avec l’apport de l’harmoniciste Sugar Blue. Que du plaisir, pour paraphraser le titre. C’est un autre pont qu’il tisse avec Takin Care Of Mine, où le rappeur français Aelpéacha le rejoint, et Kissin’ On My Lips avec Jakk Jo, orchestration épurée, réduite à l’os – un beat qui pulse sans forcer, une guitare qui ajoute par touches – pour valoriser le duo tout en contraste entre ces deux voix de l’autre Amérique. Le titre a tout du hit ! Avant de finir, last but least, par où tout cela a commencé ou presque : à l’église, l’autre berceau de la musique afro-américaine. Pour entonner ces deux classiques du gospel, Amazing Grace et Precious Lord, Lucky l’enfant terrible du blues communie avec Sharon Riley. Leurs voix s’élèvent, célestes, pour s’adresser au tout puissant… Bon dieu que ça groove !